Bonjour à tous,
Aujourd'hui, je vais vous parler de la peur de se sentir jugé(e) par son thérapeute.
Tout d'abord, il me semble important de clarifier un point : la peur du jugement des autres, c'est avant tout la peur du jugement que l'on porte soi-même sur soi. Elle se déplace sur les autres, lorsqu'on leur reconnaît une certaine autorité (plus ou moins consciente d'ailleurs). Je pense que vous avez déjà fait l'expérience de vous dire, oh oui bah untel, peu importe ce qu'il en pense, pour le coup ça me passe au-dessus. Alors que untelle, non non, je ne peux pas, faut vraiment pas qu'elle le sache, j'assumerai pas. C'est pas possible. Vraiment pas. Remplacez cela avec un exemple qui vous parle et vous verrez que pour le même objet, il vous est possible de l'assumer devant telle personne mais pas telle autre. Ce qui veut dire que vous ne conférez pas d'autorité à la première personne mais que vous en conférez à l'autre. Quand je parle d'autorité ça ne veut pas dire que vous pensez que l'autre vous est supérieur mais plutôt que son opinion a de la valeur à vos yeux. Elle peut avoir de la valeur pour diverses raisons : soit elle a effectivement un ascendant sur vous matériellement parlant et donc vous dépendez d'elle, soit vous êtes très impliqué émotionnellement vis-à-vis d'elle et vous ne voulez pas perdre son estime/son amour, soit je ne sais pas... On peut décliner les raisons.
Alors, faisons un pas de côté : le jugement de valeur ça se situe où exactement ? Et bien le jugement de valeur, ça se situe sur le plan de la moralité, c’est-à-dire du bien et du mal. Or un psychologue en thérapie ne se situe jamais sur ce plan là.
Vous me direz, oui mais le thérapeute il peut donner son avis parfois et je peux le prendre comme un jugement. Effectivement, mais toute la nuance est là : la manière dont on prend les choses ne signifie pas que les choses sont ainsi. Lorsque l'on a peur du jugement de son thérapeute, c'est parce qu'on lui confère une autorité morale, or il n'en a pas.
C'est assez rare de "choquer" un thérapeute car il a bien souvent déjà "tout entendu". J'exagère mais y'a un peu de ça quand même. Ce qui le rend assez au clair sur les méandres de l'âme humaine. Et ce qui revêt un caractère d'exception chez soi (car osons le dire, les choses honteuses, on ne les déballent pas à tout le monde donc on peut souvent se sentir seul(e) face à nos travers) eh bien ce qui revêt un caractère d’exception chez soi, est en réalité assez commun. Le psychologue en thérapie se fait réceptacle de ses confessions au quotidien donc pour lui rien, il n’y a rien d'inhabituel. De plus, si ça peut en décomplexer certains et démystifier les figures d'autorité morale qui vous entourent : attention l'habit ne fait pas le moine et les personnes qui se prévalent d'une droiture morale sont rarement les personnes les plus droites et certainement pas les plus bienveillantes. On en connaît tous des personnes érigées en modèle de droiture morale et donc le sceau d'irréprochabilité saute quand on va y voir de plus près. Alors qu’il y a un tas de gens très bien mais qui ne claironnent pas leur respectabilité. On ne connaît pas toujours intimement les personnes que l'on admire et surtout personne n'est parfait. Alors, votre thérapeute non plus !
La fonction de thérapeute oblige à une certaines conditions non négociables. Le psychologue Carl Rogers avait théorisé cela et je suis tout à fait de son avis.
Le psychologue vous doit le respect, quelque soit vos caractéristiques propres. C'est-à-dire qu'il doit vous accepter tel que vous êtes donc le chantage affectif du style "je vous aime bien mais seulement si..." n'a pas sa place car ce serait un prérequis à de la manipulation mentale. Un thérapeute vous accepte tel que vous êtes, dans votre être global. C'est à dire que vous avez et même avant de vous connaître il le sait, des parts de bonté en vous et des parts de méchanceté. Vous avez aussi vos opinions propres, vos sentiments propres, vos expériences de vie propres. C'est dans l'entierté de votre être qu'il vous accueille. C'est une manière de vous reconnaître le droit (inaliénable) d'être une personne distincte de lui. C'est primordial. D'ailleurs, sans cette reconnaissance, le changement souhaité en thérapie ne pourra pas s'opérer car l'espace de sécurité nécessaire à sa réalisation n'y est pas garanti. Le patient a besoin de se sentir en sécurité pour se connecter à nouveau à ses véritables sentiments. Sinon le risque c'est qu'il les réprime ou encore les déforme. Mais ça il le fait déjà dans la vie quotidienne (sinon il n'y aurait pas de symptômes et il ne viendrait pas consulter).
Or il est essentiel pour ne pas manipuler quelqu'un de lui garantir un espace non moralisant. Car la fonction du thérapeute n'est pas de formater le patient. Il sait qu'il a affaire à une personne qui vient faire face à ses vulnérabilités. Il est donc de son devoir de lui proposer un espace sain.
Le thérapeute se doit aussi d'être authentique. Il est lui-même avec sa personnalité et ne doit pas jouer au thérapeute. Face à quelqu'un d'inauthentique, le patient ressentira un décalage et l'alliance thérapeutique ne pourra pas se déployer.
Le psychologue doit également être en mesure de faire preuve d'empathie. Il jauge à quel moment il est plus opportun de signaler quelque chose à son patient. Tout ne peut pas se dire à tout moment. Grâce au travail thérapeutique, il comprend si le patient est en mesure d'entendre ce qu'il a à lui dire ou si cela est trop tôt.
Alors c'est vrai que parfois on peut se sentir bousculé(e) par le thérapeute parce que ça fait partie de son travail. Bousculé(e) ne veut pas dire tombé(e) donc il est aussi essentiel que le thérapeute ne s'empêche pas de dire quelque chose qui lui semble bénéfique pour l'avancée de la thérapie. Et si ce qu'il vous a dit est perçu comme un jugement, il ne faut pas hésiter à lui en parler. Faire un retour sur ce que mobilise émotionnellement la relation thérapeutique est un matériel précieux pour le thérapeute. Il pourra d'autant plus vous aider.
Une distinction là aussi essentielle à faire à mon avis, c'est qu'émettre un jugement sur un comportement, un acte, etc ce n'est pas juger la valeur d'une personne. En tout cas, je le pense vraiment. Un être humain ne se réduit jamais à la somme de ses actions. Et le thérapeute en est conscient, sinon aucun intérêt à faire une thérapie car ça équivaudrait à dire que le changement n'est pas possible. On ne peut changer quelqu'un certes, en revanche on peut se changer soi-même. Et la thérapie est là pour nous y aider dans un cadre favorisant.
Je vais faire un apparté qui ne concerne pas uniquement le contexte thérapeutique, qui va bien au-delà.
Parfois, il est intéressant d'accepter la possibilité de se laisser juger et d'apprendre que ça peut nous toucher sans trop d'incidence. Car si l‘on est suffisamment au clair avec l'idée de qui l'on est, le jugement d'autrui pourra certes, nous déstabiliser mais seulement temporairement. Accepter l'idée de ne pas faire l'unanimité c'est aussi accepter d'être enfin soi-même (alors, si on est en phase avec ce soi-même évidemment).
Et parfois aussi accepter que l'autre nous juge c'est accepter qu'il pense différemment de soi. Accepter que l'autre pense différemment de soi sans que je remette en cause qui je suis ni qui il est, c'est permettre à chacun d'exister. En somme, c’est le contraire c'est la tyrannie.
Je reviens à la thérapie :
Le thérapeute donnera son avis sous forme d'hypothèse (ça n'est jamais son opinion en tant que personne, ça n'aurait aucun intérêt). Il ne sait pas à votre place. En revanche, il pourra souligner des incohérences, mettre en avant des faits ou des paroles émanant de vous durant des séances précédentes. Bref, il vous confrontera certainement à ce qu'il sait de vous à travers le matériel clinique que vous lui avez donné car cela fait partie de son travail. Il n'est pas juste là pour vous prêter une oreille attentive sans émettre aucun retour. (ou si c'est votre unique attente, vous lui aurez spécifié au départ)
Le retour, même si ça n'est pas toujours agréable, c'est ce qui permet de faire avancer. En revanche, il ne le fera pas sans faire attention à la manière de vous le dire. Il sait que la manière de dire les choses est parfois plus importante pour la bonne réception du message, que le contenu lui-même. Cela dit, le thérapeute n'assène jamais des vérités sur vous mais bien des hypothèses. Il ne vous enferme pas dans une case. Au contraire, il vous propose un espace de liberté où être pleinement vous-même.
Voilà, j'espère que cette intervention sur le jugement pourra vous aider à vous décomplexer sur ce sujet.

Frein n°4 La peur d'être jugé(e) par son thérapeute